La régulation émotionnelle est au cœur de notre bien-être psychologique et physique, influençant notre manière de réagir aux événements quotidiens et notre santé globale. Bien que ce terme soit souvent associé à la psychothérapie ou au développement personnel, elle concerne chacun de nous : nous utilisons des stratégies de régulation émotionnelle, conscientes ou inconscientes, pour gérer des situations diverses. Dans des contextes de soin, notamment en massothérapie, comprendre les principales stratégies de régulation émotionnelle peut offrir des clés précieuses pour accompagner les personnes de manière holistique. Cet article explore les stratégies les plus courantes, leurs effets et leur impact potentiel.
Sommaire Qu’est-ce que la régulation émotionnelle ? Les huit stratégies de régulation émotionnelle Efficacité des stratégies de régulation Conclusion |
Qu’est-ce que la régulation émotionnelle ?
La régulation émotionnelle englobe toutes les méthodes que nous utilisons pour influencer l’intensité, la durée ou la nature de nos émotions. Elle peut inclure des techniques spontanées, comme respirer profondément pour calmer l’anxiété, ou des processus plus subtils, comme se focaliser sur les aspects positifs d’une situation. Certaines stratégies sont considérées comme plus constructives que d’autres ; elles aident à réduire le stress et à améliorer le bien-être, tandis que d’autres, surtout lorsqu’elles deviennent des habitudes, peuvent perpétuer des états émotionnels difficiles.
Voici les huit stratégies de régulation émotionnelle principales que l’on retrouve chez les individus, et les façons dont elles se manifestent au quotidien (Pavani & Guiller, 2024).
Les huit stratégies de régulation émotionnelle
1. Désengagement
Le désengagement est une stratégie d’évitement par laquelle une personne s’éloigne des situations ou interactions qui pourraient générer des émotions inconfortables. Par exemple, quelqu’un peut éviter de discuter d’un sujet sensible pour ne pas se sentir submergé. À long terme, cette stratégie peut empêcher une vraie résolution des difficultés, car elle ne permet pas d’affronter les émotions ou de trouver des solutions.
2. Distraction
La distraction consiste à détourner son attention de l’émotion désagréable vers autre chose. Par exemple, une personne en colère pourrait se plonger dans une activité intense pour oublier sa frustration. Deux formes existent : la distraction active positive qui consiste à penser à quelque chose de positif, et la distraction passive qui remplace l’événement à éviter par une autre tâche (faire le ménage, regarder la télévision…). Bien que la distraction puisse apporter un soulagement temporaire, elle ne résout pas les causes profondes de l’émotion. Cependant, elle est particulièrement efficace lorsque l’on doit attendre que le cours des événements change de lui même
3. Suppression
La suppression émotionnelle correspond au refus ou au contrôle d’un ressenti émotionnel et se décline en deux formes. La première, la suppression de l’expression émotionnelle, consiste à masquer ses émotions aux autres tout en en étant conscient. La seconde, la suppression de l’expérience émotionnelle, vise à réprimer le ressenti lui-même, en refusant de reconnaître une émotion donnée.
Ces stratégies servent souvent à exprimer des émotions socialement adaptées (par exemple, ne pas montrer de joie lors d’un deuil) ou à éviter des émotions perçues comme inappropriées. Elles sont efficaces pour éviter temporairement des ressentis indésirables, mais à long terme, elles peuvent causer un mal-être accru. Il est donc important de reconnaître les motivations qui nous poussent à cette suppression et, si possible, de chercher à comprendre nos émotions refoulées.
4. Concentration sur le Négatif
Cette stratégie consiste à se focaliser sur les aspects négatifs d’une situation. Une personne adoptant cette stratégie peut passer beaucoup de temps à juger de la responsabilité (se blâmer ou autrui), à se centrer sur ses émotions négatives ou penser aux causes, conséquences ou raisons de la situation. Cela peut permettre à mieux comprendre certaines situations, ou également mener à interpréter les nouvelles situations sous un angle pessimiste. La concentration sur le négatif de façon passive, c’est à dire sans en tirer de conclusions sur la position à adopter, peut mener à des ruminations et accentuer les états d’anxiété et de tristesse, limitant la capacité de l’individu à percevoir les moments de bien-être.
5. Acceptation
L’acceptation implique de reconnaître ses émotions sans jugement. Cela signifie accueillir ses ressentis – agréables ou désagréables – sans chercher immédiatement à les changer. Les recherches montrent que l’acceptation émotionnelle est bénéfique pour le bien-être mental, car elle permet de mieux comprendre et d’intégrer ses réactions. C’est une compétence précieuse dans des contextes d’accompagnement, car elle permet aux personnes de vivre leurs émotions de manière équilibrée. L’acceptation situationnelle, pouvant prendre la forme d’une certaine résignation, revient à accepter la réalité de situations non-voulues, s’agissant de réduire nos idéaux pour qu’ils correspondent à ce qui existe. C’est une stratégie particulièrement efficace lorsqu’il est impossible de changer la situation (le fait de vieillir) ou que l’on ne peut pas ressentir d’autres émotions liées à elle.
6. Réévaluation
La réévaluation consiste à modifier sa perception d’une situation pour en atténuer l’impact émotionnel. Plusieurs façons de le faire sont possible : Par exemple, une personne qui vient d’échouer à un entretien peut :
- Réévaluation positive : Choisir de voir cela comme une occasion de mieux se préparer pour la prochaine fois (identifier les aspects positifs et apprentissages).
- Détachement : Adopter le point de vu du recruteur qui a traité une centaine de demande (envisager la situation des yeux de quelqu’un détaché de notre expérience de la situation).
- Relativiser : Se dire que cet entretien est bien moins important que d’autres aspects de sa vie comme sa santé (réduire l’importance de la situation rencontrée).
Cette stratégie permet de s’accommoder d’une situation et est souvent associée à un état d’esprit plus positif, et elle favorise le bien-être en permettant d’adopter des perspectives plus constructives face aux défis. Cependant, si l’on est en capacité d’agir sur la situation, la stratégie suivante sera plus appropriée.
7. Résolution de Problème
La résolution de problème implique de réfléchir au comportement et de le mettre en œuvre pour changer ou améliorer une situation. Par exemple, une personne stressée par un délai de travail peut organiser son emploi du temps pour réduire la pression. Cette stratégie est utile pour gérer des situations de manière proactive et qui s’avère particulièrement efficace. Toutefois, il est important de noter que cela nécessite d’être capable d’évaluer précisément le contrôle que l’on peut exercer sur une situation. Si on pense à tort que l’on peut contrôler la situation, le principal risque est l’épuisement et le sentiment d’échec que l’on peut en retirer.
8. Recherche de Soutien Social
La recherche de soutien social consiste à partager ses émotions et à solliciter de l’aide ou des conseils pour gérer des situations émotionnelles difficiles. Elle se divise en deux formes : le soutien instrumental (demander des conseils pratiques) et le soutien émotionnel (chercher un réconfort affectif). Bien que l’efficacité de cette stratégie soit débattue, en raison de la difficulté à expliquer les mécanismes précis en jeu, elle reste une approche précieuse dans de nombreux contextes d’accompagnement, comme les groupes de parole ou la psychothérapie. Elle permet d’accroître le bien-être en favorisant l’interaction sociale, le soutien mutuel et le sentiment d’appartenance. La seule difficulté rencontrée peut être d’être confronté à quelqu’un qui apporte un soutien instrumental lorsque l’on est en recherche de soutien émotionnel. Aussi, il peut être utile de mentionner nos attentes si l’on sent un décalage entre le besoin et le soutien apporté.
Efficacité des stratégies de régulation
Les études ont montré que les stratégies intervenant tôt dans le processus émotionnel consistant à en changer la perception seraient plus efficaces que les stratégies intervenant plus tardivement. Par exemple, la réévaluation est souvent plus efficace que la suppression : elle réduit l’intensité émotionnelle et l’expression des comportements, sans affecter la mémoire. En revanche, la suppression diminue seulement l’expression extérieure, sans réduire l’expérience émotionnelle, tout en nuisant à la mémoire et en augmentant les réactions physiologiques chez les personnes qui la pratiquent ainsi que chez leurs partenaires sociaux. Ainsi, la réévaluation est une forme de régulation à favoriser en comparaison à la suppression (Gross, 2002).
Conclusion
Une meilleure compréhension de ces stratégies permet aux professionnels, y compris en massothérapie, de percevoir les façons dont chaque personne régule ses émotions. Par exemple, des signes de suppression ou de distraction lorsqu’elles sont systématiques peuvent indiquer des blocages émotionnels ou un besoin de soutien émotionnel plus délicat. De même, repérer les tendances à la réévaluation ou à la recherche de soutien peut aider à construire un environnement propice à l’ouverture et à la confiance.
Les stratégies de régulation émotionnelle, bien qu’adoptées spontanément, peuvent devenir des mécanismes d’adaptation profonds et affecter durablement le bien-être des individus. Les comprendre permet d’offrir un accompagnement respectueux et personnalisé, contribuant ainsi au bien-être général des personnes.
A retenir :
- La régulation émotionnelle englobe toutes les stratégies pour gérer les émotions, qu’elles soient positives ou négatives.
- Certaines stratégies (acceptation, réévaluation) sont associées à un bien-être durable, tandis que d’autres (évitement, rumination) ne sont utiles qu’à court terme.
- En massothérapie, connaître les stratégies de régulation permet d’adapter l’accompagnement émotionnel pour des soins plus complets.
- La compréhension de ces stratégies aide les praticiens à offrir un espace de sécurité et de lâcher-prise.
Sources :
Gross, J. J. (2002). Emotion regulation: Affective, cognitive, and social consequences. Psychophysiology, 39(3), 281–291. https://doi.org/10.1017/s0048577201393198