L’attachement est un concept fascinant et fondamental, qui n’a pas seulement captivé l’intérêt des psychologues, mais a aussi ouvert des perspectives nouvelles dans plusieurs disciplines comme la biologie. Cet article explore les bases neurobiologiques de l’attachement et ses implications, en s’appuyant sur les travaux de pionniers comme John Bowlby, Harry Harlow et Konrad Lorenz. Découvrir ces mécanismes peut être essentiel pour ceux et celles qui envisagent une formation en thérapie par le massage, car il met en lumière l’impact du toucher et de la relation de soin sur la connexion humaine et le bien-être.
Sommaire Les fondements de l’attachement Les hormones de l’attachement : ocytocine et vasopressine L’attachement et le stress L’attachement et le plaisir La thérapie par le toucher Conclusion |
Les fondements de l’attachement
L’attachement est un lien émotionnel profond qui unit deux individus, permettant une protection et un développement harmonieux. Ce lien n’est pas propre à l’humain ; il se manifeste également chez de nombreux animaux. Dès les années 1930, Lorenz observe que des canetons le suivent partout après leur éclosion. Ce phénomène d’empreinte présent chez les oiseaux est une courte période après la naissance où les oisillons ne savent pas qui est leur parent, et s’attachent à la première chose qu’ils voient. Ces travaux ont montré que l’attachement est une fonction biologique ayant une valeur adaptative, favorisant la survie grâce à la protection contre les dangers extérieurs.
Chez l’humain, ce lien est vital pour le développement du nourrisson. Le célèbre psychologue britannique John Bowlby a mis en évidence que les enfants ont une tendance naturelle à s’attacher à une figure protectrice pour se sentir en sécurité. Cette connexion précoce influe sur les relations futures et le bien-être psychologique tout au long de la vie.
Les hormones de l’attachement : ocytocine et vasopressine
Les avancées récentes en neurosciences ont permis de mieux comprendre le rôle de certaines hormones dans le développement de l’attachement. L’ocytocine et la vasopressine, deux neuropeptides produits dans l’hypothalamus, jouent un rôle essentiel dans la formation des liens sociaux. L’ocytocine, souvent appelée « hormone du lien social », est libérée lors du contact physique, renforçant le sentiment de proximité et diminuant le stress. Cette hormone est particulièrement active au moment de l’accouchement et pendant l’allaitement, favorisant ainsi le lien entre la mère et son enfant. Elle est aussi sécrétée par les pères au contact de leurs nourrissons.
Chez les mammifères, comme chez les humains, l’ocytocine diminue les réactions de peur et stimule les comportements maternels. Par exemple, les études sur les brebis montrent que l’injection d’ocytocine induit un attachement fort et sélectif à leur progéniture. Chez les rongeurs monogames, tels que les campagnols, l’ocytocine et la vasopressine sont impliquées dans la formation de liens de couple, jouant un rôle distinct mais complémentaire chez les mâles et les femelles.
L’attachement et le stress
L’attachement ne se limite pas à des liens émotionnels ; il constitue aussi un régulateur important du stress. Les études sur les campagnols montrent que le stress peut renforcer les liens sociaux chez les mâles, tandis qu’il les inhibe chez les femelles. Cela s’explique en partie par la manière dont le stress influe sur les niveaux d’ocytocine, une des hormones qui agit directement sur les circuits neuronaux du stress.
En effet, elle contribue à apaiser les réponses de stress. Chez le rat, par exemple, l’administration d’ocytocine réduit les niveaux de cortisol, l’hormone du stress, et favorise un état de calme. Cette capacité de l’attachement à atténuer le stress est l’un des fondements de son rôle dans le bien-être émotionnel, un aspect particulièrement pertinent en thérapie par le massage, où le toucher doux et intentionnel peut aider à réduire le stress et créer un sentiment de sécurité.
En cas de perturbation de l’attachement dans les premiers instants de vie, on observe un stress qui provoque un remodelage de l’architecture neuronale dans des zones clés du cerveau, avec de plus grands risques de développement de troubles des conduites addictives, dépressifs, anxieux, de mémoire, d’apprentissage, immunitaires ou encore métaboliques.
L’attachement et le plaisir
Au-delà de la régulation du stress, l’attachement active le système de récompense cérébral, un circuit qui renforce les comportements essentiels pour la survie en procurant du plaisir. Ce système, qui implique notamment la dopamine, est le même qui s’active lors de l’expérience d’émotions positives, de la satisfaction de besoins primaires, ou encore de l’interaction sociale.
Chez les campagnols, les récepteurs de la vasopressine dans certaines zones du cerveau favorisent les comportements monogames. Ce même circuit est impliqué dans le plaisir ressenti lors du contact social et du toucher, renforçant ainsi le lien d’attachement. Chez les humains, ce système de récompense est activé par le contact physique, notamment lors des massages, où la libération d’ocytocine et l’activation des circuits dopaminergiques contribuent à un sentiment de bien-être profond et durable.
La thérapie par le toucher
Comprendre la neurobiologie de l’attachement permet aux praticiens en thérapie par le massage d’aller au-delà des simples techniques physiques pour favoriser une connexion empathique avec leurs clients. Le toucher n’est pas seulement une question de manipulation des tissus, mais il peut aussi renforcer les liens d’attachement et activer des réponses neurobiologiques apaisantes.
Ainsi, les massages thérapeutiques peuvent non seulement soulager la douleur physique mais aussi promouvoir un état de bien-être émotionnel en réduisant les niveaux de stress et en stimulant les circuits cérébraux du plaisir. Les clients, souvent en quête de sécurité et de réconfort, trouvent dans la thérapie par le massage un espace sûr, où le toucher joue un rôle fondamental dans la guérison émotionnelle.
Conclusion
L’attachement est un pilier de la santé mentale et émotionnelle. Grâce aux découvertes sur l’ocytocine et la vasopressine, il est maintenant évident que les liens affectifs ne se résument pas à des concepts abstraits, mais sont ancrés dans la biologie. En tant que futurs thérapeutes par le massage, comprendre la base neurobiologique de l’attachement permet d’apprécier comment le toucher influe positivement sur la régulation du stress et la recherche de plaisir. Ces connaissances enrichissent la pratique en renforçant les fondements empathiques et relationnels, offrant ainsi aux clients bien plus qu’un simple soin corporel, mais un chemin vers un mieux-être global.
A retenir :
- L’attachement est une connexion émotionnelle essentielle au développement et à la survie, jouant un rôle important dans le bien-être émotionnel dès la naissance.
- Ocytocine et vasopressine : Ces hormones, produites par le cerveau, soutiennent l’attachement et les liens sociaux en réduisant le stress et en renforçant les sentiments de proximité.
- L’attachement aide à réguler le stress et active le système de récompense, ce qui favorise les émotions positives et la satisfaction.
- En massothérapie, le toucher peut favoriser un état de bien-être durable, apaisant et sécurisant pour les clients en jouant sur les mêmes circuits qui régulent le stress.
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